Mesdames, Messieurs,
La pandémie du COVID-19 et le confinement ont montré combien chacun de nous peut se trouver démuni face au stress et à l’anxiété résultant des incertitudes, de l’isolement ou encore d’une perte subite d’emploi et de revenus. Faute d’une prise en charge adéquate, ceux-ci peuvent à leur tour mener à des dépressions graves, à des violences ou à des comportements autodestructeurs.
Mais la pandémie a aussi donné lieu à une prise de conscience de nos vulnérabilités et de la nécessité d’y porter l’attention nécessaire. Nous devons l’utiliser à bon escient pour plaider plus vigoureusement la cause d’une bonne santé mentale pour tous, et convaincre les plus réticents. Un effort auquel contribue sans aucun doute la conférence d’aujourd’hui.
Lors de mes visites sur le terrain, notamment en Afrique, en tant que Défenseur des Objectifs de Développement durable des Nations Unies, j’ai toujours à cœur d’inscrire à mon programme des questions liées à la santé mentale. C’est en effet l’une de mes priorités.
J’ai eu la chance d’y rencontrer des soignants dévoués, travaillant dans des conditions souvent précaires, et des familles mobilisées tout entières autour d’un enfant. J’ai pris conscience qu’il faut aussi rester attentif à certaines sensibilités. Mais le souci de protéger la dignité humaine devrait être au centre de nos préoccupations.
Les efforts visant à mettre fin à la stigmatisation et à lever les tabous devraient donc se poursuivre sans relâche et s’amplifier. Sans cela, il faudra longtemps pour que disparaissent les discriminations, qui constituent une barrière à l’accès aux soins. Sans cela, il sera compliqué de mettre en place des actions efficaces pour prévenir et traiter les troubles psychiques, pour augmenter la résilience et pour offrir à chaque personne qui en a besoin les conseils requis ou les soins appropriés. Des campagnes et des informations ciblées, modulées, accessibles, passant par les médias, par l’éducation, par le secteur de la santé, par les communautés, et par les entreprises ont déjà fait leurs preuves. Elles doivent aussi leur succès à leur élaboration en concertation avec les personnes directement concernées, de même qu’avec leur entourage, et tenant compte de leurs préoccupations et de leur vision de leur place dans la société.
Comment organiser l’accès de toutes celles et tous ceux qui en ont besoin à l’écoute, aux consultations, et, le cas échéant, à des soins spécifiques, dans des conditions qui garantissent le respect des droits humains ? Les réponses à cette question demandent, elles aussi, une réflexion et des actions transversales. Celles-ci pourraient porter sur les moyens, sur l’extension de la couverture de santé, sur l’accessibilité de l’information, sur les réseaux d’entraide existants, sur la diversité des réponses à apporter en fonction des situations locales, sur le rôle et la formation des divers intervenants. À nouveau, la perception et les opinions des personnes concernées doivent avoir leur place.
Investir dans la santé mentale c’est également travailler à la prévention. En dépit de nombreuses inconnues, nous commençons à comprendre un peu mieux les effets délétères, pour le bien-être mental, de facteurs tels que la pauvreté et les inégalités, les deuils, les guerres, les dysfonctionnements familiaux et les violences qu’ils génèrent ou encore l’exercice d’un travail pénible ou dépourvu de sens. Pour des populations vivant dans le dénuement ou dans des situations de conflit, les risques en matière de santé mentale sont importants, mais demeurent pourtant relativement sous-estimés. Pourtant le coût est élevé, non seulement pour les personnes et les familles, mais aussi pour les communautés, pour le capital humain d’un pays et pour l’économie tout entière. Ce travail de prévention ne peut pas incomber aux seuls médecins et psychologues : il s’agit d’une responsabilité partagée entre le secteur public, en particulier le secteur de l’éducation et celui de la petite enfance, les associations et le monde de l’entreprise ; en bref, la société tout entière.
Mesdames, Messieurs,
Une bonne santé mentale ne signifie pas seulement l’absence de problèmes, c’est aussi la capacité de mener une vie pleine et créative et disposer de la flexibilité et de la résilience nécessaires pour relever les défis de l’existence. Dans nos sociétés et à travers le monde, ces atouts demeurent aujourd’hui trop inéquitablement partagés. Je souhaite que vos échanges au cours de cette conférence ouvrent de nouvelles pistes et je vous souhaite des débats très fructueux.