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Voix de la santé mentale en Afrique : expériences vécues et leçons à tirer.

Santé mentale en Afrique : aperçu de la situation et des besoins

Parler de santé mentale en Afrique nécessite une bonne connaissance des conditions contextuelles qui y sont liées : les besoins, les données épidémiologiques, les entraves et les ressources humaines en présence sur le terrain. Pour cela, Florence BAINGANA, qui couvre tout le continent africain pour le compte de l’OMS, a dressé un tableau pragmatique et actuel de la sphère de la santé mentale en Afrique.

Les troubles mentaux, neurologiques et liés à l’utilisation de substances psychoactives

On constate en premier lieu que les troubles mentaux, neurologiques et liés à l’utilisation de substances psychoactives sont très présents en Afrique subsaharienne, et ce depuis bien avant l’épidémie de Covid-19. Les troubles d’ordre mental occupent la 6e place dans les statistiques de l’OMS et, si l’on y ajoute les troubles neurologiques (notamment l’épilepsie), cette catégorie diagnostique monte au 3e rang (hormis la catégorie « autres »).

Voir la vidéo de Mme Florence Baingana

Les chiffres en matière de suicide sont alarmants, de même que ceux liés aux addictions. Les taux de suicide sont plus élevés en Afrique que dans le reste du monde. L’OMS cite le nombre de 18 décès estimés par suicide pour 100 000 hommes africains (1er rang mondial) et 5,2 pour 100 000 femmes africaines (2e rang mondial) ; soit une moyenne de 11,2 décès par suicide pour 100 000 habitants en Afrique (1er rang mondial). Il en va de même pour les mineur·e·s. La consommation d’alcool des 13-15 ans est en effet alarmante dans de nombreuses zones subsahariennes : 42,3 % en Zambie, 39,3 % au Bénin, 23,5 % en Namibie, 20,6 % au Botswana, 14,6 % au Kenya, 14,5 % au Liberia, 12,8 % en Ouganda ou encore 10 % au Sierra Leone.

Cumul de plusieurs types de catastrophes

Enfin, il ne faut pas oublier que certains pays cumulent plusieurs types de catastrophes comme Ebola en Guinée, l’éruption du Nyiragongo au Nord-Kivu en RDC, des conflits prolongés, auxquels s’ajoute la troisième vague de la pandémie de Covid-19 qui, selon l’OMS, a touché sévèrement les 47 pays de la région. Les contaminations ont été particulièrement nombreuses en Afrique du Sud (71 617 cas positifs recensés selon le relevé du 6 juin 2021), au Kenya (51 677 cas), en Algérie (36 671 cas) et en Éthiopie (20 419 cas).

Par ailleurs, l’OMS rapporte que les ressources financières publiques destinées à la santé mentale ainsi que le nombre et les catégories de soignant·e·s en santé mentale restent minimes, voire inexistants dans certains pays africains.

Budget et personnel réduits

Les fonds affectés à la santé mentale en Afrique sont faibles : 0,1 dollar US par habitant et par an alors que la moyenne mondiale est de 2,5 dollars US. Le continent américain y consacre 11,8 dollars US et l’Europe atteint les 21,7 dollars alloués à la santé mentale de chaque habitant·e.

Le personnel formé manque cruellement. En effet, en Afrique, on recense moins d’un·e professionnel·le de la santé mentale (0,9) pour 100 000 habitants. Ce chiffre est largement inférieur à la moyenne globale qui est de 9 professionnel·le·s pour 100 000 habitants. Ce chiffre de de 0,9 professionnel·le·s pour 100 000 Africain·e·s cache en outre de grandes disparités pour certains types de métiers : ainsi, on ne trouve pas d’orthophoniste/logopède ni de spécialiste en pédiatrie/pédopsychiatrie.

Certains postes, comme les assistant·e·s sociaux ou les psychologues, sont quasiment inexistants et, pour les postes les plus statistiquement représentés – les psychiatres et la catégorie du « personnel de santé mentale non formé » – ils ne représentent que 0,7 professionnel·le·s pour 100 000 individus.

“Ces troubles de santé mentale sont de plus en plus fréquents”

- Florence BAINGANA

F. BAINGANA a aussi partagé les données sur la distribution des dépenses publiques de santé mentale par catégorie de soins dans les pays à faible revenu, dont font partie la plupart des pays du continent africain. Dans ces pays, les ressources financières existantes sont utilisées en moyenne à 80 % pour les hôpitaux psychiatriques, 10 % pour les hôpitaux de jour et autres formes d’hospitalisation, et seulement 10 % pour les soins proposés en ambulatoire et dans les services de soins de santé primaires. Dans les pays à revenu intermédiaire et élevé, la part des budgets de la santé qui est allouée aux hôpitaux psychiatriques a reculé à 50 % et 30 % respectivement, suite à la politique de réduction des hospitalisations en faveur des soins ambulatoires et communautaires.

Pour toutes ces raisons, la 148e session du bureau exécutif (20/01/2021) de l’OMS préconise deux axes d’amélioration, à savoir :