La pro-activité Ne pas attendre une crise pour développer des projets de santé mentale.
Orateur 1: Adelin N’situ
Tout d’abord, Adelin N’SITU a donné un exposé institutionnel de la réponse en matière de santé mentale en République Démocratique du Congo (RDC). Avec ses 2,345 millions de kilomètres carrés, ses 26 provinces et ses 519 zones de santé, le Programme National de Santé Mentale (PNSM) compte la santé mentale parmi les 12 composantes des soins de santé primaires.
Le leadership en matière de soins de santé mentale s’exerce à tous les niveaux de la pyramide des soins et au niveau des instances organisationnelles que sont le Ministère de la Santé, Hygiène et Prévention pour le niveau central, et les coordinations provinciales des divisions provinciales de la santé (DPS) au niveau intermédiaire. Au niveau opérationnel, les soins de santé mentale et de prise en charge curatifs, préventifs et promotionnels sont dispensés au niveau communautaire et des structures des soins de la pyramide, conformément à la philosophie des soins de santé primaires.
Les défis majeurs demeurent, d’une part, la motivation des intervenants des structures de soins, ainsi que leur stabilité financière, qui en est le garant et, d’autre part, l’obtention de la participation communautaire à travers le bénévolat des organisations communautaires de base et les travailleur·euse·s sociaux·ale·s des structures de soins (comité de santé, comité de développement, relais communautaires des zones de santé).
En conclusion, Adelin N’SITU a indiqué qu’il est important d’amener les dirigeants nationaux à faire de la santé en général, et de la santé mentale en particulier, une priorité, contrairement à la situation actuelle où la priorité est plus accordée aux urgences humanitaires. Sans un engagement politique fort à travers la validation d’une politique nationale, la mobilisation des ressources est difficile à réaliser.
Voir la vidéo de Adelin N’Situ
Orateur 2: Eugène Rutembesa
Ensuite, Eugène RUTEMBESA s’est penché sur le cas du Rwanda. Retraçant l’historique de la santé mentale dans le pays au travers de quelques dates-clés, l’orateur a mis en lumière l’essor qu’y ont connu les projets et la sensibilisation à la santé mentale. Après le génocide, le pays se trouvait dans une situation d’urgence et le souci majeur était la prise en charge des traumatismes psychologiques de la population. Dès 1998, les soins de santé mentale ont été complètement intégrés dans le système de soins au niveau des hôpitaux. L’approche communautaire et la décentralisation en matière de santé mentale et de support psychosocial ont ensuite été mises en œuvre systématiquement. Il a montré en particulier la bonne coopération entre l’organe étatique (ministère, hôpitaux, centres hospitaliers publics) et de nombreuses ONG locales qui se spécialisent dans des thématiques aussi diversifiées que l’accompagnement des femmes violées et leurs enfants ou la réinsertion des anciens génocidaires.
Rutembesa a conclu en évoquant qu’après l’avoir vécu, le pays s’est trouvé dans l’obligation d’inventer, d’imaginer et de créer pour contenir la souffrance terrible générée par ce génocide. La volonté politique, l’humanisme qui est venu de partout pour soutenir cette résilience a pris le dessus sur l’inhumanité subie pendant le génocide perpétré contre les Tutsis.
Écoutez le clip audio de Eugène Rutembesa
La discussion
La discussion a été lancée par Achour AIT MOHAND qui est intervenu en tant que discutant. Il est revenu sur ces problématiques de leadership et de gouvernance, qui souvent ne sont pas pensées en amont et sont ainsi découvertes sur le terrain. Partisan d’une plus grande ouverture et diffusion des programmes de santé mentale, il évoque la multiplicité des « portes d’entrée » dans cet objectif. En revenant sur l’exemple du génocide rwandais qui a permis, par la force des choses, des avancées considérables, Achour AIT MOHAND a cité le cas de l’Algérie qui, pour lutter contre les conséquences du terrorisme, a dû diversifier et adapter son offre en santé mentale.
Il enjoint les divers·es acteur·rice·s du secteur à entrer dans ce travail de réflexion, tout en soulignant l’importance de l’engagement des sphères politiques. Selon lui, une vision plus globale de la santé mentale pourrait permettre une meilleure représentation du domaine auprès des appuis institutionnels, lesquels sont trop majoritairement et exclusivement résumés aux seules structures psychiatriques.