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Be-cause health matters 14

Voix de la santé mentale en Afrique : expériences vécues et leçons à tirer.

Atelier

Participation des usager·ère·s des services de santé mentale

Le constat que les services de santé mentale sont encore peu développés sur le sol africain pose entre autres la question de la participation des usager·ère·s. La perception des communautés sur la maladie mentale, la place et le degré de participation des personnes dans leur prise en charge ou encore la méconnaissance de leurs droits, sont des questions émergentes et pourtant fondamentales.

Togo & Madagascar

Les orateurs nous ont donné des exemples venus du Togo avec Barthélemy KOUKOURA et de Madagascar avec Patrick RAZAFINDRADIMY. Leur constat est unanime : la participation sociale des usager·ère·s de santé mentale a encore beaucoup de progrès à faire. Par ailleurs, l’offre de services de santé mentale est insuffisante (on ne compte qu’un seul centre psychiatrique dans tout le Togo) et ces mêmes services font l’objet d’une perception souvent très négative par les communautés et les populations.

Au Togo, la réponse s’est concentrée sur le renforcement de nombreuses professions de santé (infirmier·ère·s, psychologues, assistant·e·s sociaux·ales, assistant·e·s médicaux·ales, etc.) et la création de services de prise en charge en santé mentale multidisciplinaire à base communautaire. À Madagascar, l’exemple de la prise en charge en milieu carcéral s’est appuyé sur plusieurs études et missions exploratoires. Fort de cette évaluation précise complétée par un comité de doléances, des accompagnements individuels et de groupe ont été mis en place, ils révèlent que le bien-être et l’estime de soi des détenus se sont améliorés, le travail des accompagnant·e·s s’est simplifié, et la qualité du service psychosocial a considérablement progressé.

Voir la vidéo de Mr. Barthélemy Koukoura (Togo)
Voir la vidéo de Mr. Patrick Razafindradimy (Madagascar)

Guinée

La discussion a été lancée par Abdoulaye SOW qui est intervenu en qualité de discutant. Il a synthétisé ces deux présentations en y ajoutant des exemples de Guinée, son pays d’origine. Il souligne dans un premier temps que les besoins des systèmes de santé mentale dans de nombreux pays africains sont similaires en termes de disponibilité, d’accès aux soins et services et de respects de droits humains.

Concernant l’exemple togolais, Abdoulaye SOW remarque que le renforcement organisationnel et l’accompagnement des groupements par la formation, l’appui aux activités de plaidoyer et le soutien émotionnel ont favorisé une estime de soi chez les patient·e·s, tout en soulignant la nécessaire mais souvent paradoxale implication de l’État. Nécessaire, car c’est avec le concours des États qu’il est possible d’améliorer la santé mentale des populations, mais paradoxale car, selon Abdoulaye SOW, « il ne faut pas rêver, car malheureusement les questions de santé mentale ne sont pas une priorité malgré leur importance en termes de morbidités et d’incapacités. C’est pourquoi le plus grand défi aujourd’hui consiste à savoir comment stimuler les populations pour qu’elles s’organisent pour créer des espaces utiles au développement de services de santé mentale de qualité ».

Concernant l’exemple malgache, les lieux et conditions de détention sont des facteurs favorisant la détérioration de la santé mentale de la population carcérale. Le discutant salue cette initiative « innovante », eu égard notamment aux difficultés d’intervention en milieu carcéral ; il prend l’exemple de la prison centrale de Conakry, où les difficultés rapportées sont semblables, pour souligner que l’accompagnement, pendant l’incarcération ou à la sortie, est « un processus complexe mais utile pour réinsérer [le détenu] dans la vie active ».

Ces deux exemples prouvent bien que, lorsque les usager·ère·s participent à l’administration de leurs soins, la qualité des services proposés s’en trouve améliorée. S’ajoutent à cela a) la nécessité de développer des efforts conjoints entre les institutions internationales, les États, les structures médicales, les usager·ère·s, leur famille et leur communauté ; b) la perspective de créer des ponts entre médecine conventionnelle et médecine traditionnelle ; c) le renforcement des compétences des professionnel·le·s de la santé pour une meilleure prise en charge ; d) l’implémentation d’activités préventives en complément des soins curatifs ; e) la diversification des activités pouvant aller jusqu’à des groupes de paroles en milieu carcéral, des programmes de réadaptation et de réinsertion des usager·ère·s dans les communautés, des activités de sensibilisation communautaire contre la stigmatisation des usager·ère·s de santé mentale.

« La lutte contre la précarité des usager·ère·s traitée par les activités de réinsertion économique renforce la résilience des usager·ère·s et contribue au respect des droits des personnes en transversal »

- Patrick RAZAFINDRADIMY

Les échanges post-présentation ont même vu émerger la question d’un écoutant sur la sensibilisation des populations locales, ainsi que la part que pourraient prendre le gouvernement local et les acteur·rice·s locaux·ales (églises, écoles) dans cette sensibilisation, rejoignant ainsi les questions transversales de la coopération et de l’organisation des moyens de prise en charge. Dans tous les constats et les préconisations partagés, on note l’importance du renforcement des capacités des usager·ère·s, afin de rendre effective leur participation dans les projets qui les concernent, mais aussi leur participation dans la société, par l’accompagnement individuel et en stimulant les liens entre eux et la création de groupements d’usager·ère·s.