Niger
L’exemple du Niger est rapporté par Ibrahim Maman KABIROU, travaillant chez COOPI, qui a basé ses activités à Diffa, ville à l’extrême Est du pays. Leurs activités en lien avec la santé mentale et l’appui psychosocial sont nombreuses : formation, approvisionnement en médicaments, coordination au niveau régional sur les aspects de santé mentale, supervision au long cours sur les structures sanitaires pour suivre les agents médicaux et les relais communautaires déjà formés, et enfin et surtout travail de sensibilisation. C’est par ce prisme de la sensibilisation des acteur·rice·s phares de la communauté que la normalisation des programmes de santé mentale et du support psychosocial (SMSPS) peut se faire et ainsi faire évoluer les mentalités et les jugements négatifs à ce sujet. L’orateur constate d’ailleurs que, suite à ces vagues de sensibilisation, de nombreux référencements ont pu être faits, assurant la couverture de certaines zones difficiles d’accès et l’efficacité des DIAP (Dispositif Itinérant d’Appui Psychosocial), sorte d’équipes mobiles assurant des entretiens de soutien psychologique.
Voir la vidéo de Mr. Maman Kabirou Ibrahim (Niger)
Tchad
L’exemple du Tchad est rapporté par Lucien KIKWABAYA, médecin à l’International Rescue Council (IRC), en remplacement de Moumouni BONKOUNGOU, qui est malheureusement décédé du Covid-19 quelques jours avant la conférence. Lucien KIKWABAYA présente les activités de santé mentale de l’IRC au Tchad. Précisant que la SMSPS n’existe guère que dans les camps de réfugiés au Tchad, l’IRC y est très présent et se concentre sur les prises en charge cliniques et la formation de relais communautaires et de paramédicaux. Contrairement à COOPI au Niger, l’IRC au Tchad travaille en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) sur la formation au mhGAP, ce qui représente une différence institutionnelle et politique majeure. En contrepartie, l’IRC au Tchad semble moins avancé sur la question de la coordination : en effet, un de ses axes d’amélioration est d’œuvrer à ce que le Groupe de Travail SMSPS se divise en sous-groupes, dans les provinces et les camps, pour plus d’efficacité. Ici, on constate l’importance des aspects de coopération, de coordination et d’implication dans les différents clusters.
Voir la présentation de Mr. Lucien Kikwabaya (Tchad) et de Mr. Moumouni Bonkoungou (Tchad) ici.
La discussion
La discussion a été lancée par Aissatou Sokona NIAKATE (Guinée) qui est intervenue comme discutante. Elle a souligné les points communs entre les deux terrains d’intervention cités : la superficie importante des deux pays, les très faibles moyens humains et financiers, l’inexistence de politique nationale de santé mentale, etc. Ces écueils sont toutefois en partie compensés par le maillage existant entre les communautés et les structures sanitaires. L’accompagnement adéquat des personnes présentant des troubles mentaux passe par des besoins parfois identiques, parfois complémentaires, des agents de santé et des relais communautaires. En l’espèce, Aissatou NIAKATE affirme que la formation des agents communautaires en santé mentale - notamment sur le mhGAP - constitue une excellente stratégie. L’implémentation de pratiques intégratives resserre les liens entre les structures sanitaires, les communautés et les patients. En ce sens, l’appui des structures par des psychologues et/ou des travailleurs psychosociaux est un trait d’union entre les sphères médicales et communautaires. Les diverses activités psychothérapeutiques ou encore la supervision des structures communautaires par du personnel soignant sont autant d’occasions de créer une couverture plus large et plus complète.
« La santé mentale ne doit pas être considérée comme une affaire de spécialistes […] la santé mentale a également besoin de l’implication de ces relais communautaires. »
Les exemples montrent à merveille à quel point l’adhésion et la participation des différents acteur·rice·s communautaires dans les projets de santé mentale sont non seulement utiles, mais surtout indispensables. La méfiance et certains préjugés sur les programmes de santé mentale – et sur leurs usager·ère·s – sont encore fort présents dans certaines zones d’Afrique et les partenaires communautaires, qui ont souvent plus de légitimité et la confiance des populations, sont incontestablement une clé dans le changement des mentalités. Inclure les communautés répond à de nombreux axes transversaux, notamment celui évident de l’accessibilité des soins mais aussi de l’efficacité, de la pérennité et de la diversité de ces mêmes soins.