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Be-cause health matters 14

Voix de la santé mentale en Afrique : expériences vécues et leçons à tirer.

Atelier

Décentralisation des soins de santé mentale

Pour beaucoup de pays africains, l’essentiel des structures et du personnel compétent se trouve dans la capitale. Cet état de fait pose à la fois question sur le problème de l’accessibilité des soins en province et, de fait, la nécessité de décentraliser l’offre de soins sur l’ensemble du territoire.

Burundi

Concernant l’exemple du Burundi, Jean-Luc NKENGURUTSE a retracé les données et le contexte. Pays d’Afrique de l’Est de presque 28 000 km², le Burundi a une population de 12 millions d’habitants, dont 46 % ont moins de 15 ans. Sur le plan économique, le pays fait partie des dix pays les plus pauvres du monde, avec un PIB de 246 USD par an et par habitant. Sur le plan épidémiologique, une étude a révélé que 4 personnes sur 10 présentent des troubles psychologiques au Burundi, dont 8,9 % des troubles anxieux, 4,6 % de la schizophrénie ou encore 3,3 % de problèmes traumatiques. (Étude de la Santé mentale menée par le Ministère de la Santé et la Coopération Suisse, en août 2019, dans les provinces de Ngozi, Gitega, Rumonge & Mairie de Bujumbura.) Face à ces chiffres élevés, on ne recense que quatre médecins-psychiatres dans le pays. Les contraintes sont majeures et nombreuses : faible mobilité des professionnel·les·s formé·e·s, insuffisance des ressources humaines et financières, faible implication des partenaires communautaires (leaders locaux, acteur·rice·s communautaires), contraintes socio-culturelles (méconnaissance du public, croyances populaires), peu de partenaires techniques et logistiques, insuffisance et prix élevé des intrants, notamment les psychotropes.

En matière de réponse à ces besoins importants, seul le Centre Neuro-Psychiatrique (CNP) de Kamengé dispose de l’infrastructure, des fonds et du personnel nécessaires pour une prise en charge qualitative. Ainsi, des expériences de décentralisation sont menées pour pallier le manque de lieux et de personnel dédiés à la santé mentale. Le CNP de Kamengé a ouvert deux antennes en province, à Gitega et Ngozi, disposant chacune de 50 lits d’hospitalisation supplémentaires. Concernant le manque de formation des équipes soignantes, le CNP a franchi une étape supplémentaire en décentralisant les prises en charge vers des structures plus modestes, mais plus diffuses dans le pays. Cela commence par une formation théorique du personnel au moyen du guide mhGAP. Ensuite, des activités de « learning by doing » voient se mêler personnel qualifié et personnel local en observation. Enfin, des consultations conjointes sont menées par le prestataire local, sous le regard et la supervision du prestataire de référence.

Voir la vidéo de Mr. Jean Luc Nkengurutse (Burundi)

La discussion

Comme le souligne Jeanine KAMANA, de l’ONG Louvain Coopération à Bujumbura, des efforts de décentralisation de l’accompagnement psychosocial sont également consentis par le tissu humanitaire. Elle donne l’exemple du projet de santé mentale et psychosociale Izere qui, dans quelques districts de santé du Nord du Burundi, améliore activement l’accessibilité et la qualité des soins de santé mentale par trois objectifs : renforcer les capacités du personnel des structures de santé publique (hôpitaux généraux et centres de santé), appuyer l’approvisionnement en médicaments psychotropes dans ces structures, élaborer et renforcer des actions communautaires (sensibilisation, groupes de parole et activités génératrices de revenus - AGR) avec des organisations locales et des agents de santé communautaires.

Un participant a fait un parallèle, en commentaire, avec la méthode VSLA (association Villageoise d’Épargne et de Crédit), qui est un groupe d’épargne autogéré composé de 15 à 25 membres d’une communauté, qui se rencontrent régulièrement pour épargner leur argent en toute sécurité et contracter de petits prêts.

Jeanine KAMANA y a vu un lien tout en rappelant que, sur le projet qui est le sien, il s’agit davantage d’un fonctionnement en tontine.

Voir la vidéo de Mme Jeanine Kamana (Burundi)


La discussion a été lancée par Elvire SOSOHOUNTO qui est intervenue comme discutante. Elle a partagé son expérience de travailleuse psychosociale à Cotonou, au Bénin. Elle rappelle en préambule qu’au Bénin, la maladie ne s’explique pas scientifiquement. Son origine vient d’un mauvais sort, par jalousie ou par toute autre cause d’ordre magique. Le réflexe pour les familles dont un membre développe des signes d’entrée dans la maladie n’est donc pas d’aller dans un centre psychiatrique, dont le prix est par ailleurs fort élevé.

Au sein du centre dans lequel elle travaille, Elvire SOSOHOUNTO s’occupe des liens entre le patient et sa famille. Cela nécessite des visites à domicile pour expliquer ce qu’est la maladie mentale. Cette sensibilisation permet une meilleure compréhension de la réalité vécue par la personne abandonnée. Le fonctionnement du centre est ainsi fait que ce sont les malades stables qui aident les nouveaux venus dans leur parcours. Des ateliers sont mis en place (couture, soudure) pour tous, dans le but de contribuer à la vie du centre. La structure ne dispose d’aucun psychiatre permanent ; seul un appui est prodigué une fois par an par des psychiatres européen·ne·s. Certain·ne·s patient·e·s sont déposé·e·s par la famille directement au centre, qui par ailleurs organise des « rafles » dans les rues, pour récupérer des personnes maltraitées et/ou livrées à elles-mêmes, si elles n’ont pas d’appui.

« […] nous avons réussi à convaincre le Ministère de la Santé de produire des directives d’orientation dans le système de santé du Burundi : maintenant, nous avons des lignes directrices qui guident les différent·e·s intervenant·e·s en santé mentale .»

- INCONNU

Les deux orateurs soulignent qu’à leurs différents niveaux, ces actions ont, en plus d’un impact sur les populations accompagnées, un retentissement dans la prise en compte de la santé mentale aux niveaux institutionnel et étatique, allant dans le sens d’une meilleure accessibilité des soins, dans une logique de proactivité.